Le premier ambre baltique d’Europe occidentale
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Le premier ambre baltique d’Europe occidentale

Nov 03, 2023

Rapports scientifiques volume 13, Numéro d'article : 14250 (2023) Citer cet article

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La présence de l'ambre baltique à travers l'Europe a été traditionnellement associée à la propagation de la culture campaniforme au cours du 3ème millénaire avant JC. En Ibérie, ce phénomène est particulièrement visible dans la moitié sud. Nous présentons ici une perle d'ambre trouvée dans une grotte funéraire du Néolithique supérieur (3634-3363 cal BC) du nord-est de la péninsule ibérique, où plus de 12 individus avaient été enterrés. Les résultats de spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier de quatre échantillons ont révélé leur ressemblance complète avec les spectres de référence de la succinite baltique. Bien qu'il s'agisse d'une seule perle, cette découverte constitue la première preuve de l'arrivée de l'ambre baltique en Méditerranée et en Europe occidentale, avant le phénomène du Campaniforme et plus d'un millénaire plus tôt qu'on ne le pensait traditionnellement. Cette découverte a des implications pour notre compréhension des premiers réseaux d’échange de matériaux exotiques et de leurs structures sociales associées.

Les objets fabriqués à partir de matières premières « exotiques » sont des éléments clés de la culture matérielle archéologique. D'un point de vue productif, ils peuvent informer sur le commerce et les échanges, la mobilité et l'organisation de l'artisanat ; leurs modes de consommation sont souvent liés à des questions de statut social, d’identité et de genre.

Les réseaux culturels étendus étaient aussi fondamentaux dans le passé qu’ils le sont aujourd’hui. Concrètement, les réseaux commerciaux à longue distance pourraient permettre un accès privilégié aux connaissances, aux technologies, aux objets et aux relations sociales. De même, la disponibilité limitée de certains matériaux aurait pu générer du prestige et d’autres formes de différenciation sociale. D’une part, les réseaux peuvent faciliter l’association et l’entraide en période de menace, les relations sociales établies par l’échange étant plus importantes que les objets échangés eux-mêmes1. Mais les réseaux coopératifs de survie engendrent également la dépendance, la dette sociale et la concurrence, conduisant potentiellement à des déséquilibres sociaux2. Il est donc important de considérer comment le commerce à longue distance et l’exotisme ont servi de ressources symboliques. Quel impact les premiers ont-ils eu sur la circulation des objets, des technologies et des idéologies qui ont permis à certaines personnes (individus, groupes ou communautés entières) de maintenir et de consolider leur statut social, leur pouvoir et leur influence3 ? Et comment le commerce à longue distance était-il lié à d’autres processus d’agrégation, de fission ou de compétition entre factions dans leur association avec le pouvoir ou le prestige social4,5 ?

À la fin de la Préhistoire, en Europe, l’utilisation de matières premières rares et inhabituelles (appelées « exotiques ») s’est considérablement développée. Celles-ci allaient des ressources organiques, telles que l'ivoire, la coquille d'œuf d'autruche, l'ambre ou le jais, à une myriade de matériaux abiotiques, notamment l'obsidienne, le cristal de roche, le cinabre et les premiers métaux3,6,7. Cependant, toutes ces ressources n’avaient pas la même signification sociale et n’étaient pas toutes distribuées et circulées selon les mêmes schémas. La valeur sociale qu’ils ont acquise dépend de plusieurs facteurs interdépendants qui varient tout au long de leur vie sociale, spatialement et temporellement selon le contexte6. On peut distinguer trois étapes au cours desquelles les matériaux ont acquis des valeurs différentes : au moment de leur fabrication (compte tenu des exigences particulières des matières premières et des connaissances ou compétences potentiellement spécialisées) ; lors de leur utilisation (à la fois pendant leur durée de vie utile et lorsqu'il s'agit de les jeter ou de les déposer dans des contextes ritualisés) ; et tout aussi important, au moment de leur échange, en fonction de leur rareté et de leur rôle dans les réseaux commerciaux et les relations sociales locales, à moyenne ou longue distance6.

Entre 3 500 et 2 200 cal avant JC, nous observons d’intenses interactions et échanges d’objets dans la région de la Méditerranée occidentale, où (laissant de côté la façade atlantique) deux systèmes différents semblent avoir fonctionné2,8, reflet de l’importance et du dynamisme de la réseaux commerciaux dans ce domaine. Le premier système couvrait la moitié sud de la péninsule ibérique, l’Afrique du Nord et la Sicile et impliquait l’échange de coquilles d’œufs d’autruche, d’ivoire et d’ambre sicilien (simétite)9,10,11. L'ambre sicilien est documenté pour la première fois dans le sud de la péninsule ibérique et en Sicile au 4ème millénaire avant JC10,12,13,14 et est largement documenté au cours du 3ème millénaire avant JC, généralement associé à l'ivoire et parfois à la coquille d'œuf d'autruche dans le sud de la péninsule ibérique9. A cette époque, on trouve également des objets en cuivre et des poteries campaniformes dans le nord-ouest de l'Afrique ; on suppose qu’ils sont originaires de la péninsule ibérique et auraient été échangés contre de l’ivoire ou des œufs d’autruche15.